
La possession d’un spécimen naturel n’est que la première étape ; sa légalité et sa valeur reposent sur une documentation irréprochable.
- La loi française distingue les objets anciens (acquis avant 1947) des modernes, mais exige une preuve formelle de cette antériorité pour toute transaction.
- Un Certificat Intra-Communautaire (CIC) est indispensable pour la vente ou l’achat de la majorité des espèces protégées, même pour un héritage.
Recommandation : Traitez chaque acquisition comme la constitution d’un dossier. Créez un « Passeport de l’Objet » regroupant preuves d’achat, certificats et expertises pour garantir sa traçabilité et sa conformité.
L’œil du collectionneur s’illumine devant une pièce rare : un oiseau de paradis naturalisé aux plumes chatoyantes, un corail bleu électrique, un objet ancien délicatement sculpté dans l’ivoire. La tentation est forte, l’envie d’ajouter ce trésor à son cabinet de curiosités est immédiate. Mais très vite, une angoisse sourde s’installe, celle du collectionneur naturaliste moderne : cet objet est-il légal ? Ai-je le droit de l’acheter ? Et si un jour, les douanes frappent à ma porte ? Face à ce mur réglementaire, beaucoup se fient à des on-dit : « c’est un objet de famille, donc c’est bon », ou « le vendeur m’a assuré qu’il était ancien ». Ces approximations sont le chemin le plus court vers des complications juridiques et financières.
La réalité est que la réglementation, notamment la Convention de Washington (CITES) et son application en France, est stricte et précise. Elle n’est pas conçue pour frustrer les collectionneurs, mais pour protéger la biodiversité mondiale contre le trafic et l’exploitation. La posséder n’est pas un délit, mais la commercialiser sans respecter les règles l’est. L’erreur serait de voir cette législation comme un obstacle. Et si la véritable clé n’était pas de craindre la loi, mais de la maîtriser pour transformer son inquiétude en expertise ? Et si la valeur d’une collection ne résidait pas seulement dans la rareté de ses pièces, mais aussi dans la rigueur de sa gestion ?
Cet article n’est pas une simple liste d’interdits. C’est un guide stratégique pour vous, l’amateur de cabinets de curiosités, pour vous apprendre à penser non plus en simple possesseur, mais en gestionnaire de patrimoine naturel. Nous allons décortiquer les cas pratiques, de la peau de tigre héritée au squelette de dinosaure, pour vous donner les outils concrets qui vous permettront d’acquérir, de conserver et de transmettre vos trésors en toute légalité et sérénité. Vous apprendrez à constituer un dossier solide pour chaque pièce, à identifier les pièges et à dialoguer avec les professionnels, faisant de la conformité réglementaire le plus bel écrin pour votre passion.
Pour naviguer avec assurance dans l’univers fascinant mais réglementé des collections naturalistes, cet article aborde les questions essentielles que tout collectionneur averti doit se poser. Le sommaire ci-dessous vous guidera à travers les différentes facettes de l’acquisition et de la conservation légale en France.
Sommaire : Guide de l’acquisition légale de spécimens naturels et historiques
- Ai-je le droit de revendre la peau de tigre héritée de mon grand-père sans certificat (CIC) ?
- Comment protéger vos boîtes à papillons des anthrènes qui dévorent les collections ?
- Vrai squelette de dinosaure ou assemblage composite : comment ne pas payer le prix fort pour de la résine ?
- Pourquoi les UV ternissent irrémédiablement les couleurs des cônes et porcelaines ?
- Comment stabiliser un herbier du XIXe siècle dont les plantes s’effritent ?
- Les tests visuels simples pour ne pas acheter du plastique au prix de l’ivoire ancien
- Pourquoi l’État peut-il bloquer la sortie de votre pièce historique hors de France ?
- Comment acquérir des objets historiques authentiques sans enfreindre la législation française ?
Ai-je le droit de revendre la peau de tigre héritée de mon grand-père sans certificat (CIC) ?
La réponse est catégoriquement non. Recevoir un spécimen en héritage ne confère pas automatiquement le droit de le commercialiser. Le tigre (Panthera tigris) est classé à l’Annexe A du règlement européen, le niveau de protection le plus élevé. Toute activité commerciale (vente, mais aussi location ou simple exposition à but lucratif) est par principe interdite. L’unique exception est l’obtention d’un Certificat Intra-Communautaire (CIC) délivré par la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) de votre région. Pour l’obtenir, vous devez prouver que le spécimen a été acquis légalement avant l’entrée en vigueur de la convention pour cette espèce. La charge de la preuve vous incombe entièrement.
Cette démarche, loin d’être une simple formalité, constitue le premier acte de votre rôle de « gestionnaire de patrimoine ». Il s’agit de reconstituer la chaîne de traçabilité de l’objet. Sans ce document, non seulement la vente est impossible, mais vous vous exposez à des sanctions pénales sévères, même si vous êtes de bonne foi. Des maisons de ventes comme Aguttes documentent systématiquement l’historique des spécimens CITES. Pour les objets datant d’avant 1947, ils bénéficient d’une dérogation, mais même dans ce cas, un accord pré-CITES est requis pour une exportation hors de l’Union Européenne. Le bordereau d’adjudication obtenu lors d’une vente aux enchères devient alors une pièce maîtresse de votre dossier de propriété.
Votre plan d’action pour la régularisation d’un spécimen ancien :
- Création de compte : Enregistrez-vous sur la plateforme i-CITES, le portail officiel du ministère de la Transition écologique pour ces démarches.
- Collecte des preuves : Rassemblez tous les documents prouvant l’antériorité et l’origine licite de l’objet (photos de famille datées où la pièce apparaît, actes de succession, courriers d’époque, factures anciennes).
- Expertise : Mandatez un expert agréé près d’une cour d’appel pour obtenir une attestation de datation formelle. Cette expertise est souvent indispensable.
- Soumission de la demande : Remplissez la demande de CIC pour « origine licite » via i-CITES en joignant toutes vos pièces justificatives numérisées. Il s’agit d’une démarche que vous pouvez initier via le formulaire de demande sur la plateforme i-CITES.
- Instruction : Votre dossier sera instruit par la DREAL de votre région. Le délai de réponse varie de 15 jours à plusieurs semaines.
Comment protéger vos boîtes à papillons des anthrènes qui dévorent les collections ?
L’acquisition d’une collection entomologique n’est que le début de l’aventure. Le véritable ennemi du collectionneur n’est pas toujours la réglementation, mais un adversaire bien plus petit et insidieux : l’anthrène des musées (Anthrenus museorum). Ces minuscules coléoptères et surtout leurs larves sont capables de réduire en poussière des spécimens délicats en quelques mois, se nourrissant de la kératine présente dans les insectes séchés. La clé de la protection réside dans la conservation préventive, une approche proactive qui combine surveillance, contrôle de l’environnement et traitements ciblés.
L’erreur la plus commune est de se fier uniquement à des répulsifs traditionnels (naphtaline, paradichlorobenzène), aujourd’hui considérés comme peu efficaces et nocifs pour la santé et les spécimens eux-mêmes. L’approche muséale moderne privilégie des méthodes physiques non-invasives. La surveillance continue à l’aide de pièges à phéromones permet de détecter une infestation à un stade précoce. Mais en cas d’attaque avérée ou pour traiter une nouvelle acquisition (toujours la placer en quarantaine !), des techniques plus radicales s’imposent.

Parmi les méthodes curatives, le traitement par l’atmosphère modifiée, ou anoxie, est la référence absolue. Il consiste à placer les boîtes dans une enceinte hermétique où l’oxygène est remplacé par un gaz inerte (azote ou argon). Des études confirment une mortalité de 100% des anthrènes à tous les stades de développement (œufs, larves, adultes) après une exposition de 20 jours à une atmosphère contenant moins de 0,1% d’oxygène, selon les protocoles du Centre Interdisciplinaire de Conservation et de Restauration du Patrimoine.
Pour vous aider à choisir la meilleure stratégie, voici une comparaison des méthodes de traitement préventif et curatif.
| Méthode | Efficacité | Durée | Coût | Adapté pour |
|---|---|---|---|---|
| Congélation -18°C | 95% | 72 heures minimum | € | Petits objets fragiles |
| Anoxie (sans oxygène) | 100% | 20 jours | €€ | Collections complètes |
| Contrôle hygrométrie (<60%) | 80% préventif | Permanent | € | Toutes collections |
| Pièges phéromones | 70% détection | 3-6 mois | € | Surveillance continue |
Vrai squelette de dinosaure ou assemblage composite : comment ne pas payer le prix fort pour de la résine ?
Le marché des fossiles spectaculaires, notamment des squelettes de dinosaures, a explosé, attirant des collectionneurs fortunés. Mais ce marché est semé d’embûches où la distinction entre un spécimen authentique et un assemblage habile est cruciale. L’erreur serait de croire qu’un squelette vendu « complet » est constitué à 100% d’os d’origine. La réalité est que la plupart des squelettes montés sont des assemblages composites, où les os manquants ont été remplacés par des répliques en résine, parfois de manière très significative.
La valeur d’un tel spécimen dépend directement du pourcentage d’os originaux. Un squelette « complété à 30% » ne signifie pas qu’il est à 70% authentique, mais l’inverse : seuls 30% des os sont de véritables fossiles. Les maisons de ventes sérieuses comme Millon détaillent ce pourcentage, car la différence de prix peut être astronomique. L’achat d’un fossile majeur ne doit donc pas être un coup de cœur, mais le résultat d’une diligence raisonnable de votre part. Vous devez exiger une transparence totale de la part du vendeur, car c’est votre investissement qui est en jeu. Un squelette avec 80% d’os authentiques n’a absolument pas la même valeur scientifique et financière qu’un autre à 20%.
Étude de Cas : La valeur de l’authenticité et de la rareté
L’analyse des résultats de ventes aux enchères montre que l’authenticité et la rareté priment sur la taille. Par exemple, un ara chloroptère (taxidermie) des années 1960, parfaitement documenté et en excellent état, estimé entre 1200 et 1500€, a pu atteindre 4600€ en 2021. À l’inverse, un squelette de dinosaure présenté comme « spectaculaire » mais avec un faible pourcentage d’os réels peut voir sa valeur divisée par dix par rapport à un spécimen plus petit mais plus authentique. Il est donc crucial de lire attentivement le rapport de restauration.
Avant toute acquisition d’un fossile d’importance, une checklist s’impose pour sécuriser votre investissement et garantir sa conformité légale, notamment pour une éventuelle exportation future.
Les points clés à vérifier avant l’achat d’un fossile majeur :
- Certificat d’exportation : Assurez-vous que le vendeur possède le certificat d’exportation du pays d’origine du fossile. Sans ce document, l’objet peut être considéré comme pillé.
- Rapport de restauration : Exigez un rapport détaillé, idéalement photographique, qui identifie précisément chaque os original et chaque partie reconstituée en résine.
- Provenance géologique : Vérifiez la formation géologique d’où provient le fossile (ex: Hell Creek Formation aux USA, Morrison Formation). Une provenance documentée est un gage d’authenticité.
- Supervision scientifique : Un montage de qualité doit être supervisé par un paléontologue reconnu. Son nom doit figurer dans la documentation.
- Statut patrimonial : Pour les fossiles majeurs découverts en France, assurez-vous qu’ils ne sont pas en instance de classement « Trésor National », ce qui interdirait définitivement leur sortie du territoire.
Pourquoi les UV ternissent irrémédiablement les couleurs des cônes et porcelaines ?
Les collectionneurs de coquillages (conchyliologues) le savent bien : rien n’égale l’éclat d’un Conus gloriamaris ou les motifs délicats d’une Cypraea aurantium fraîchement collectée. Pourtant, après quelques années en vitrine, ces couleurs vibrantes peuvent virer au pastel délavé. Le coupable est un ennemi invisible et implacable : la lumière, et plus spécifiquement son rayonnement ultraviolet (UV). Les pigments organiques qui donnent leurs couleurs aux coquillages sont des molécules complexes et fragiles. Exposées aux UV, ces molécules se brisent dans un processus photochimique irréversible. Une fois la couleur perdue, aucun traitement ne peut la restaurer.
L’erreur commune est de sous-estimer l’impact de la lumière indirecte. Un spécimen placé loin d’une fenêtre mais dans une pièce lumineuse subit tout de même une dégradation lente mais continue. La conservation préventive en muséologie quantifie ce risque en lux-heures (l’intensité lumineuse en lux multipliée par la durée d’exposition en heures). Selon les normes du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), les objets très sensibles, comme les coquillages colorés, ne devraient pas dépasser un cumul annuel de 150 000 lux-heures. Pour donner un ordre de grandeur, une exposition à 50 lux pendant 8 heures par jour atteint ce seuil critique en moins d’un an.

La seule stratégie viable est donc de contrôler drastiquement l’environnement lumineux de votre collection. Voici les mesures à prendre :
- Bannir la lumière naturelle : Ne jamais exposer directement les coquillages au soleil. Pour les vitrines près des fenêtres, l’application de films anti-UV sur les vitres est une obligation.
- Choisir le bon éclairage : Privilégiez les éclairages LED spécifiquement conçus pour les musées, garantis « sans UV » (longueur d’onde supérieure à 400 nm). Évitez les halogènes et les néons, qui émettent des quantités importantes d’UV.
- Limiter la durée d’exposition : N’allumez l’éclairage de vos vitrines que lorsque vous admirez votre collection. Un système de minuterie ou de détecteur de présence est un excellent investissement.
- Contrôler l’intensité : Utilisez des variateurs pour maintenir l’éclairage au niveau le plus bas possible (idéalement sous les 50 lux), juste assez pour apprécier les détails.
Comment stabiliser un herbier du XIXe siècle dont les plantes s’effritent ?
Acquérir un herbier ancien, c’est acquérir un témoignage à la fois scientifique et historique. Chaque plante séchée, chaque étiquette manuscrite raconte une histoire. Cependant, ces objets sont d’une extrême fragilité. Avec le temps, la cellulose des plantes devient cassante, les papiers du XIXe siècle, souvent acides, se dégradent, et l’ensemble devient friable. Tenter de « restaurer » soi-même un tel objet est la pire des erreurs, menant quasi systématiquement à des dommages irréversibles. La stabilisation d’un herbier est une affaire de spécialistes et suit un protocole rigoureux.
La première étape est de ne plus manipuler l’herbier. Chaque flexion des pages peut provoquer la perte de fragments précieux (feuilles, fleurs, graines). Le problème peut être aggravé par des facteurs biologiques. Comme le montre l’expérience du Muséum d’Histoire Naturelle de Marseille en 2010, une infestation par des insectes (anthrènes, mites) peut dévaster une collection. Suite à une attaque, le muséum a dû mettre en place un protocole d’urgence en collaboration avec le CICRP, combinant traitements curatifs et mise en place d’une surveillance permanente. Votre rôle de collectionneur est d’abord de poser un diagnostic et d’appliquer des mesures conservatoires avant de confier l’objet à un professionnel.
Protocole de conservation d’urgence pour un herbier ancien :
- Diagnostic professionnel : Ne touchez à rien et contactez un restaurateur spécialisé en arts graphiques ou en patrimoine naturel. La Fédération Française des professionnels de la Conservation-Restauration (FFCR) peut vous orienter.
- Quarantaine : Si vous suspectez une infestation (poussière de sciure, petits trous), isolez immédiatement l’herbier dans une poche en plastique thermo-scellée pour éviter la contamination du reste de votre collection.
- Dépoussiérage (par un pro) : Le restaurateur effectuera un dépoussiérage délicat avec des pinceaux doux et un système d’aspiration à puissance contrôlée pour ne pas endommager les spécimens.
- Reconditionnement acide-free : Les planches seront reconditionnées avec du papier permanent à pH neutre et des matériaux de montage sans acide pour stopper la dégradation chimique.
- Stockage adapté : Les planches stabilisées doivent être stockées à plat dans des chemises en polyester inerte (type Melinex) et rangées dans des boîtes de conservation de qualité archive.
- Numérisation : Une fois stabilisé, faites réaliser une numérisation haute résolution de chaque planche. Cela créera un « double de consultation » qui limitera drastiquement les manipulations futures de l’original fragile.
Les tests visuels simples pour ne pas acheter du plastique au prix de l’ivoire ancien
L’ivoire d’éléphant fascine, mais son commerce est aujourd’hui l’un des plus réglementés au monde, et à juste titre. Il est crucial de comprendre un point fondamental avant même d’envisager un achat. Comme le rappelle clairement la Direction Générale des Douanes, l’achat d’un objet en ivoire sans le certificat CIC adéquat est une infraction. La règle de l’antériorité (pré-1947) peut s’appliquer, mais elle doit être prouvée de manière irréfutable par le vendeur.
Depuis 2017, tout commerce d’ivoire brut ou travaillé, même ancien, est interdit en France sauf dérogation (CIC). L’achat d’un objet en ivoire sans ce certificat est une infraction.
– Direction Générale des Douanes, Guide CITES pour les voyageurs
Face à ce risque juridique majeur, s’ajoute le risque de fraude. De nombreux substituts, de l’os à des plastiques comme le celluloïd (ivoirine) ou la galalithe, ont été utilisés pour imiter l’ivoire. Payer le prix de l’ivoire pour un substitut est une erreur coûteuse. Heureusement, des tests visuels simples, réalisables avec une loupe de bijoutier (x10), permettent de faire un premier tri et d’exercer sa diligence raisonnable. Le critère le plus fiable pour l’ivoire d’éléphant est la présence des lignes de Schreger : un réseau de fines lignes entrecroisées, formant des motifs en losange. Ces structures sont uniques à l’ivoire de proboscidiens (éléphants, mammouths).
Le tableau suivant résume les caractéristiques distinctives pour vous aider à ne pas vous tromper.
| Matériau | Test visuel | Caractéristiques | Valeur relative |
|---|---|---|---|
| Ivoire d’éléphant | Lignes de Schreger visibles | Angles d’environ 115° (différent du mammouth) | 100% |
| Os | Canaux de Havers | Petits points ou traits sombres (pores) visibles à la loupe | 5% |
| Ivoirine (celluloïd) | Odeur de camphre si chauffé (test dangereux) | Légèreté anormale, fines lignes parallèles dues au moulage | 1% |
| Tagua (ivoire végétal) | Structure concentrique, pas de lignes de Schreger | Plus léger que l’ivoire, peut présenter une petite cavité centrale | 3% |
Pourquoi l’État peut-il bloquer la sortie de votre pièce historique hors de France ?
Vous êtes l’heureux propriétaire d’une pièce historique majeure, un manuscrit rare ou un objet scientifique ancien, et vous souhaitez le vendre à un collectionneur à l’étranger. Attention, l’État français peut légalement s’y opposer. Ce mécanisme de protection est encadré par le Code du Patrimoine et vise à empêcher que des œuvres considérées comme fondamentales pour le patrimoine national ne quittent le territoire. Toute exportation d’un « bien culturel » hors de l’Union Européenne est soumise à l’obtention d’un certificat d’exportation. Et pour certains objets, l’État peut aller jusqu’au classement en « Trésor National ».
Un Trésor National est un bien culturel présentant « un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie ». Si votre objet est classé comme tel, sa sortie du territoire est définitivement interdite. L’État dispose alors d’un délai de 30 mois pour faire une offre d’achat au prix fixé par le marché international. Cette procédure n’est pas une spoliation : le propriétaire est indemnisé. Elle a permis de conserver en France des œuvres majeures comme le manuscrit des 120 Journées de Sodome du Marquis de Sade. Les seuils de valeur déclenchant la nécessité d’un certificat sont définis par la loi. Par exemple, pour les incunables et manuscrits, la plupart des objets de plus de 50 ans et d’une valeur supérieure à 300 000€ nécessitent automatiquement un certificat, ce qui peut déclencher l’étude d’un classement.
Cette législation, souvent méconnue des collectionneurs privés, est un élément central de la gestion d’un patrimoine de grande valeur. Il est donc crucial de se renseigner avant toute promesse de vente à l’international.
Questions fréquentes sur le dispositif « Trésor National »
Quels types d’objets peuvent être classés Trésor National ?
Tout bien culturel d’intérêt majeur : manuscrits historiques, tableaux de maîtres, objets scientifiques ayant marqué une époque, pièces archéologiques uniques. Des exemples récents incluent un tableau de Caillebotte ou des manuscrits de Louis-Ferdinand Céline.
Quelle est la procédure si mon objet est préempté par l’État lors d’une vente aux enchères ?
Lors de l’adjudication, un représentant de l’État peut déclarer « Je préempte au nom de l’État ». L’État se substitue alors au dernier enchérisseur et acquiert l’objet au prix du marteau. Le vendeur reçoit le montant prévu, mais l’objet rejoint les collections nationales.
Comment savoir si mon objet nécessite un certificat d’exportation ?
Il faut consulter les seuils de valeur et d’ancienneté sur le site du Ministère de la Culture. Ils varient grandement selon la catégorie du bien (peintures, sculptures, livres, véhicules, etc.). En cas de doute, une demande de certificat est la démarche la plus sûre.
À retenir
- La preuve est reine : La date « pré-1947 » n’est pas une carte blanche. Sans preuve formelle d’antériorité (facture, acte notarié), un spécimen est considéré comme moderne et soumis à la réglementation la plus stricte.
- La conservation est une action : La valeur d’une collection se mesure aussi à son état. Lutter activement contre les UV (éclairage LED, films protecteurs) et les nuisibles (anoxie, contrôle d’hygrométrie) est aussi crucial que l’acquisition légale.
- Le « Passeport de l’Objet » : La meilleure garantie contre les problèmes futurs est de constituer, pour chaque pièce, un dossier complet incluant facture, certificats (CIC), expertises et historique de propriété.
Comment acquérir des objets historiques authentiques sans enfreindre la législation française ?
Après avoir exploré les risques liés à l’authenticité, la conservation et la réglementation, la question demeure : comment construire sa collection sur des bases saines ? La clé réside dans une approche méthodique et une hiérarchisation des canaux d’acquisition. L’erreur du collectionneur débutant est de privilégier le prix le plus bas, souvent trouvé sur des plateformes en ligne entre particuliers. C’est le scénario le plus risqué : l’absence de garantie, la difficulté à tracer la provenance et le risque élevé de tomber sur un objet non régularisé sont maximaux. Mettre en vente un objet CITES sur un site comme ‘leboncoin’ sans CIC constitue une infraction, même pour un héritage reçu de bonne foi.
La sécurité juridique a un prix, mais il est la meilleure assurance pour la pérennité de votre passion. Il existe une hiérarchie claire des canaux d’achat en France. Au sommet se trouvent les salles des ventes, où le commissaire-priseur, en tant qu’officier ministériel, engage sa responsabilité légale sur l’authenticité et la description des lots. Viennent ensuite les galeries et antiquaires spécialisés, notamment ceux membres de syndicats professionnels comme le SNA (Syndicat National des Antiquaires), qui offrent des garanties sérieuses. Enfin, les bourses et salons spécialisés peuvent être d’excellentes sources, mais demandent une plus grande vigilance de la part de l’acheteur.
Quel que soit le canal, le principe de « diligence raisonnable » s’applique. C’est à vous d’adopter les bons réflexes et de constituer pour chaque nouvelle pièce son « Passeport de l’Objet », un dossier qui sera sa carte d’identité et votre tranquillité d’esprit.
Checklist de l’acheteur responsable en France :
- Vérification du CIC : Pour tout spécimen d’annexe A (tigre, éléphant, perroquet Ara…), exigez de voir le Certificat Intra-Communautaire original. Une simple photocopie n’est pas suffisante.
- Preuve d’antériorité : Pour les spécimens travaillés anciens (avant 1947), demandez la preuve formelle qui justifie cette datation (expertise, document d’époque).
- Historique de propriété : Demandez au vendeur de vous fournir l’historique de l’objet (provenance). Un vendeur sérieux sera transparent sur la chaîne de propriété.
- Statut du vendeur : Si vous achetez à un professionnel, assurez-vous qu’il est bien enregistré et a pignon sur rue.
- Conservation des documents : Archivez précieusement et durablement tous les documents liés à l’achat (factures, certificats, bordereaux d’adjudication, correspondance) dans le « Passeport de l’Objet ».
- Privilégier la sécurité : Pour les pièces importantes, privilégiez les achats en salles des ventes, où la garantie apportée par le commissaire-priseur est la plus forte.
Pour que votre passion pour les merveilles de la nature et de l’histoire reste un plaisir et non une source d’inquiétude, adoptez dès aujourd’hui ces réflexes de diligence et de gestion. En devenant un collectionneur averti et responsable, vous ne faites pas que vous conformer à la loi : vous donnez à votre collection sa véritable valeur, celle d’un patrimoine préservé et transmis dans les règles de l’art.